Matthieu 23.37 contredit-il le calvinisme?

Dans cette série d’articles, nous étudions les versets qui semblent s’opposer aux doctrines de la grâce, c’est-à-dire, au Calvinisme, en particulier la doctrine de l’expiation limitée. Cette doctrine dit que Christ est mort seulement pour les élus, que Dieu appelle efficacement afin qu’ils croient et placent leur foi en lui. Cet article traitera de Matthieu 23.37. Ce verset a un parallèle en Luc 13.34, mais comme les deux versets sont très similaires et que leurs contextes sont semblables, nous n’étudierons que Matthieu 23.37.

Matthieu 23.37 :

Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu!

Ce verset se situe à la toute fin du chapitre 23, dans lequel Jésus réprimande les pharisiens. Avec une série de huit « malheur à vous », il dénonce la mauvaise religion des dirigeants du peuple. Ceux-ci cherchent leur propre intérêt plutôt que celui du peuple, ils se croient purs et justes par leurs œuvres; ils ajoutent des règles, mais ne cherchent pas Dieu de tout leur cœur. Le premier des huit « malheur » est intéressant puisqu’il contient la même idée que le verset 37. Ainsi, cette série de reproches de Jésus aux pharisiens est encadrée par deux versets portant sur le même thème. Ce double reproche qui ceinture la diatribe de Jésus résume d’ailleurs plutôt bien tout le discours de Jésus. On voit au verset 13 :

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux; vous n’y entrez pas vous-mêmes, et vous n’y laissez pas entrer ceux qui veulent entrer.

Jésus condamne les scribes et les pharisiens parce que, en tant que dirigeants du peuple, ils ne l’ont pas guidé vers Dieu et ont failli à leur tâche. Par leur orgueil, leur mauvaise compréhension de la loi et leurs faux enseignements, ils ont éloigné les gens de Dieu et ont nui à l’avancement de son royaume. Alors qu’Israël devait être une lumière pour les nations, le peuple même est dans l’obscurité, dans l’égarement, loin de la connaissance du vrai Dieu à cause de ses dirigeants.

C’est dans ce contexte que Jésus prononce ce fameux verset :

Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu!

Souvent, on lit ce verset en imaginant un Jésus sur une colline, affligé en regardant de loin la ville sainte. Pourtant, ce n’est pas du tout ce que le contexte nous montre. Jésus est dans le temple en train de prononcer un jugement contre les scribes et les pharisiens! « Jérusalem », ici, ne fait pas référence à l’ensemble du peuple, mais à ses dirigeants, puisque c’est eux que Jésus accuse de maltraiter les envoyés de Dieu aux versets 29 et 34. Que leur reproche Jésus exactement? On le voit à la fin du verset, il leur reproche de s’opposer à sa volonté, de « ne pas [vouloir] ». Et quelle est cette volonté à laquelle les pharisiens s’opposent? Que Jésus rassemble les enfants d’Israël. Jérusalem et les enfants de Jérusalem ne sont pas le même groupe de personnes. En effet, nous venons de voir que Jérusalem fait référence aux pharisiens; il ne veut pas les rassembler, il les condamne pour leur hypocrisie! Ceux qu’il veut rassembler, ce sont ceux qui croient en lui, son vrai peuple. Jésus a dit au verset 13 que les pharisiens éloignaient les gens du salut, et il le répète au verset 37 (paraphrase) : « je veux rejoindre ceux qui me cherchent, mais vous vous y opposez! » L’emphase n’est pas sur la réussite ou non de cette opposition, mais bien sur le fait que les dirigeants juifs sont ennemis de Dieu par leurs actions. D’ailleurs, cette opposition est vaine, car Jésus attire bel et bien à lui tout ceux que le Père lui donne (Jn 6.39), en dépit de l’opposition des chefs juifs.

Il ne faut pas prendre Matthieu 23.37 hors-contexte et lui donner une portée sotériologique qu’il n’a pas. Quand on comprend à qui Jésus s’adresse et la place de ce verset dans son discours, les paroles de Jésus prennent un tout autre sens, leur vrai sens. Jésus n’est pas en train de se désoler de l’incrédulité du peuple et de l’inefficacité de son appel; au contraire, il condamne les dirigeants juifs qui s’opposent à l’œuvre rédemptrice, qu’il accomplit souverainement malgré l’opposition. Ceux que Dieu a choisis, il les appelle (Rm 8.30), leur donne un cœur et un esprit nouveau (Éz 36.26) et incline leur volonté pour qu’ils le suivent et l’aiment d’un cœur sincère (Éz 36.27). Tous ceux que Dieu sauve veulent être sauvés, mais cette volonté vient de Dieu (Ph 2.13, Jn 6.44), comme tout le reste du salut d’ailleurs (Ep 2.8), et rien ni personne ne peut ravir les élus de la main de leur Père (Jn 10.28).

Robin St-Laurent

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