Le péché de l’incrédrudilité (Charles H. Spurgeon)

Un capitaine, sur la main duquel le roi s’appuyait, répondit a l’homme de Dieu : Quand même l’Éternel ferait des ouvertures aux cieux, cela arriverait-il? — Et Élisée dit : Voilà, tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras point. (2 Rois 8.2)

Un sage peut sauver une ville entière ; un juste peut délivrer des multitudes. Les croyants sont le sel de la terre : grâce à leur présence au milieu des méchants, ceux-ci sont épargnés. Si les enfants de Dieu n’agissaient comme un préservatif sur les masses, la race humaine ne subsisterait plus. Dans la ville de Samarie, où nous transporte notre texte, il se trouvait un juste : c’était Élisée, homme de Dieu. La piété avait complètement disparu de la cour. Le roi Joram était un pécheur plongé dans les vices les plus noirs ; ses iniquités étaient criantes et infâmes. Il suivait le train d’Achab son père et servait publiquement les faux dieux. Comme leur monarque, les habitants de Samarie avaient été infidèles. Ils avaient abandonné Jéhovah , et mis en oubli le saint d’Israël. L’antique devise de Jacob : L’Éternel ton Dieu est le seul Éternel (Deut. 6.1), n’était plus pour eux qu’une lettre morte, et ils ployaient un genou idolâtre devant les divinités abominables des païens. C’est pourquoi le Dieu des armées livra Israël aux mains de ses oppresseurs; il permit que Samarie fût investie par une armée étrangère, en même temps que désolée par la plus affreuse famine, en sorte que les malédictions prononcées sur la montagne d’Hébal s’accomplirent à la lettre et que l’on vit bientôt dans les murs de Samarie la femme la plus tendre et la plus délicate, qui n’aurait point essayé de mettre la plante de son pied sur la terre par délicatesse et par mollesse, regarder d’un œil d’envie ses propres enfants, et, rendue féroce par la faim, dévorer le fruit de ses entrailles (Comparez Deut. 28.56-58 à 2 Rois 6.21-29).

Toutefois, dans cette épouvantable conjoncture, le prophète du Très-Haut devint un instrument de salut pour la coupable cité. Il fut le sel que Dieu employa pour conserver Samarie; il fut le libérateur de tout un peuple assiégé. À cause d’Élisée, en effet, et par son organe, Dieu promit solennellement que, dès le lendemain, les vivres, qu’on ne pouvait plus obtenir au poids de l’or seraient vendus à vil prix aux portes mêmes de la ville. Représentez-vous, mes amis, la joie de la multitude en entendant cette prédiction sortir de la bouche du saint homme. Chacun reconnaissait en lui un prophète de l’Éternel; ses titres de créance étaient marqués du sceau divin; tout ce qu’il avait prédit auparavant s’était réalisé : aussi ne pouvait-on douter que dans cette occasion encore il ne parlât au nom de Jéhovah. Sûrement les yeux du monarque durent étinceler de joie et la foule affamée dut bondir d’allégresse, à la perspective d’une si prochaine délivrance. « Dès demain, durent-ils s’écrier tous ensemble, dès demain notre faim sera assouvie! Dès demain, nous serons abondamment rassasiés ! »

Mais au milieu du bonheur général, une voix fit entendre des paroles d’incrédulité. Cette voix était celle du capitaine sur qui le roi s’appuyait. Il ne nous est pas dit, remarquons-le en passant, qu’un seul homme du commun peuple accueillit la prédiction d’Élisée avec méfiance ; mais un haut personnage osa le faire. C’est une chose étrange, mes chers auditeurs, mais c’est un fait incontestable que Dieu choisit rarement les grands de ce monde ; il semble, en vérité, que l’élévation et la foi en Christ ne puissent que difficilement s’accorder. « Impossible ! » s’écria l’officier de la cour; et à l’incrédulité unissant l’ironie, il ajouta : « Quand même l’Éternel ferait des ouvertures aux cieux, cela arriverait-il? » Voici donc quel fut son péché : il ne crut point à la déclaration du prophète, bien que les miracles précédemment opérés par celui-ci témoignassent de la manière la plus éclatante qu’il était l’envoyé de Dieu.

Sans doute, le capitaine de Samarie avait assisté à la merveilleuse déroute de Moab; sans doute aussi on lui avait rapporté comment Élisée avait découvert les secrets de Ben-Hadad ; comment il avait frappé d’éblouissement les soldats envoyés pour le prendre ; comment il les avait menés à leur insu jusque dans les murs de Samarie. On ne peut supposer non plus que la résurrection du fils de la Sunamite, ou l’histoire de cette veuve, dont l’huile, miraculeusement augmentée par l’homme de Dieu, avait suffi pour payer la dette, ne fussent parvenus à sa connaissance ; et quant à la guérison de Naaman, elle avait certainement dû faire le sujet de tous les entretiens de la cour (Voyez 2 Rois chap. 3, 4, 5, 6.). Et cependant, en présence d’une telle accumulation d’évidence, en face de ces preuves irrécusables de la mission divine du prophète, le capitaine n’ajouta point foi à sa parole : bien plus, il la tourna en ridicule. Ce fut alors que le Seigneur, par la bouche de celui-là même qui venait de proclamer la délivrance, lui fit entendre son arrêt de condamnation : Tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras point. Et la Providence, qui prend toujours soin d’accomplir la prophétie, aussi fidèlement que le papier reproduit les caractères qu’on y imprime — la Providence, disons-nous, fit mourir cet homme. Foulé aux pieds dans les rues de Samarie, il périt aux portes de la ville, ayant contemplé de ses propres yeux l’abondance promise, mais n’en ayant point profité. Les circonstances qui occasionnèrent celte mort tragique nous sont inconnues : peut-être les manières hautaines et insultantes du malheureux exaspérèrent-elles le peuple; peut-être voulut-il essayer d’arrêter la foule avide qui se précipitait vers les portes; peut-être aussi fut-il renversé par un simple accident (comme on s’exprime dans le monde); quoi qu’il en soit, une chose demeure certaine : c’est qu’il vécut assez pour voir la prophétie justifiée par l’événement, mais non point assez pour jouir des bienfaits annoncés par cette prophétie.

Je me propose, mes chers auditeurs, d’appeler aujourd’hui votre attention sur deux points principaux : sur le péché dont le seigneur d’Israël se rendit coupable, et sur le châtiment que ce péché lui attira. Il se peut qu’en traitant mon sujet, je ne fasse plus que rarement allusion à l’homme dont je viens de vous rappeler la saisissante histoire ; néanmoins, j’espère que son cas particulier m’aidera à mieux faire ressortir les vérités générales que je vais vous présenter.

 

I

Et d’abord, disons encore une fois que le péché de cet homme fut l’incrédulité. Il n’ajouta point foi à la parole de Dieu; il douta, soit de la véracité, soit de la puissance du Très-Haut : en d’autres termes, il crut, ou bien que le Seigneur ne tiendrait pas sa promesse, ou bien que la chose promise était en dehors des limites du possible.

Rien n’est complexe comme l’incrédulité; elle a plus de phases que la lune et plus de nuances que le caméléon. Suivant une croyance populaire, le diable se montrerait tantôt sous une forme et tantôt sous une autre. Ce qui est faux quant à Satan en personne est parfaitement vrai quant à l’incrédulité, cette fille aînée de Satan. On peut dire d’elle en toute vérité que son nom est Légion, car ses formes sont plusieurs. Tantôt, l’incrédulité m’apparaît déguisée en ange de lumière; elle se couvre du nom d’humilité et parle à peu près en ces termes : « Dieu me garde de la présomption ! Dieu me garde d’affirmer que le Seigneur me pardonne ; je suis un trop grand pécheur pour oser compter sur sa grâce. » Souvent, les chrétiens eux-mêmes se laissent prendre à cette ruse de Satan, et bénissent Dieu de voir une âme animée de si bons sentiments ; mais pour ma part, bien loin de bénir Dieu, je gémis au sujet de cette âme; car sous ce manteau emprunté, je reconnais le démon du doute.

D’autres fois, l’incrédulité met en question la fidélité de Dieu : « Il est vrai que le Seigneur m’a aimé, se dit-on ; mais qui sait s’il ne me rejettera pas dans la suite? Il est vrai qu’hier il m’a secouru, et je me place encore à l’ombre de ses ailes; mais qui sait si demain il ne m’abandonnera pas? Qui sait s’il se souviendra toujours de son alliance et n’oubliera point d’avoir compassion? » D’autres fois encore, l’incrédulité inspire des doutes sur la puissance de Dieu. On rencontre chaque jour sur sa route de nouvelles entraves, on est enlacé dans un filet de difficultés, et on pense dans son cœur : « Sûrement le Seigneur ne saurait nous délivrer. » On cherche alors à se débarrasser soi-même de son fardeau, et parce qu’on ne peut y parvenir, on s’imagine que le bras de Dieu est aussi court que le nôtre et que sa force est aussi faible que la force humaine.

Mais si ces diverses formes d’incrédulité sont dangereuses au plus haut degré, puisqu’elles retiennent tant d’âmes loin de Jésus, et qu’elles les portent à douter de sa puissance ou de son amour, que dire de cette incrédulité hideuse, avouée, révoltante entre toutes, qui, marchant le front haut et sous ses véritables couleurs, blasphème contre Dieu et nie effrontément son existence ? Le déisme, le scepticisme et l’athéisme : tels sont les fruits arrivés à maturité de l’arbre empoisonné du doute; telles sont les plus terribles éruptions du volcan de l’incrédulité. Oui, l’on peut dire véritablement qu’elle a atteint sa parfaite stature, qu’elle est parvenue à son apogée, cette incrédulité qui, jetant tout masque et mettant de côté tout déguisement, parcourt insolemment la terre en poussant ce cri de révolte : il n’y a point de Dieu! Qui levant le bras contre Jéhovah, essaie d’ébranler le trône de la divinité, et dans son inconcevable folie, semble n’aspirer à rien de moins qu’à faire la loi à Dieu lui- même. Toutefois, mes amis, remarquez-le bien, l’incrédulité se manifeste sous des formes plus ou moins grossières, plus ou moins adoucies, sa nature n’en demeure pas moins la même : la sève est une, quoique les branches soient variées à l’infini.

Il est dans le monde certaines gens bien étranges, pour dire le moins, qui soutiennent que l’incrédulité n’est pas un péché. Et ce qu’il y a de plus inexplicable, c’est que des personnes dont les croyances religieuses sont d’ailleurs fort saines tombent dans cette erreur. Je connais un jeune homme qui entra un jour dans une réunion d’amis et de ministres de l’Évangile, au moment où l’on discutait très sérieusement cette question : « Est-ce un péché de la part de l’homme que de ne pas croire à l’Évangile? » Étonné au plus haut degré, le jeune homme prit la parole et dit : « Messieurs, suis-je oui ou non en présence de chrétiens ? croyez-vous à la Bible, ou n’y croyez-vous pas? »    — « Il va sans dire que nous sommes chrétiens, » répondirent tout d’une voix les assistants. — « Alors, reprit le jeune homme, pourquoi ces discussions ? L’Écriture ne dit-elle pas expressément que le monde sera convaincu de péché, parce qu’il n’aura pas cru en Christ? Et ne dénonce-t-elle pas la condamnation à tout pécheur qui refuse de croire au Fils de Dieu? »

Ce raisonnement, mes frères, ne vous paraît-il pas aussi simple que concluant? Quant à moi, je l’avoue, je ne puis comprendre que des hommes qui prétendent avoir du respect pour la Parole inspirée, n’acceptent pas implicitement ce qu’elle enseigne. Je ne puis comprendre que sous prétexte de faire accorder la vérité avec je ne sais quelles données de la raison humaine, on ait la hardiesse de s’inscrire en faux contre les déclarations divines. La vérité est une forte tour qui n’a pas besoin d’être étayée par l’erreur. La Parole de Dieu saura bien rester debout, malgré les attaques de ses ennemis et sans les sophismes de ses prétendus amis. Puis donc que l’Écriture déclare en propres termes que voici la cause de la condamnation : c’est que la lumière est venue dans le monde et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière; puisque j’y lis des paroles telles que celles- ci : Celui qui ne croit point est déjà condamné, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu; je ne crains pas d’affirmer de la manière la plus positive, avec la Parole de mon Maître, que l’incrédulité est un péché ! Et de bonne foi, mes chers auditeurs, est-il besoin de longs arguments pour démontrer cette vérité? Ne se prouve-t-elle pas d’elle-même à tout esprit rationnel et sans préventions? Quoi? N’est-ce point une chose énorme, qu’une créature ose mettre en doute la Parole de Celui qui la forma? N’est-ce point un crime et une insulte à la Divinité que moi, misérable atome, grain de poussière perdu dans l’immensité, je donne le démenti au Tout-Puissant ? N’est-ce point le comble de l’arrogance et de l’orgueil, qu’un enfant d’Adam dise en son cœur : « Dieu ! je doute de ta grâce, je doute de ton amour, je doute de ta puissance ! » Oh! mes frères, croyez-moi ; quand même il vous serait possible d’amalgamer, pour ainsi dire, les plus honteux forfaits; quand même vous prendriez le meurtre, le blasphème, la convoitise, l’adultère, la fornication, en un mot, tout ce qu’il y a de plus vil, de plus immonde, de plus révoltant sur la terre, et que de tous ces crimes réunis, vous pussiez ne faire qu’un seul crime monstrueux, — cette masse hideuse de corruption et de souillure le céderait encore au péché de l’incrédulité. Sans contredit, c’est le péché-roi ; c’est la quintessence de tout ce qui est mal, le principe et le venin de tout vice, la lie de toute méchanceté, le chef-d’œuvre de Satan.

Mais pour mieux vous faire comprendre l’excessive malignité de ce péché, permettez-moi, mes frères, d’entrer dans quelques développements. Et d’abord, observez que l’incrédulité peut être appelée, à juste titre, la mère de tous les autres péchés. En effet, il n’est pas de crime qu’elle ne puisse enfanter. C’est à elle que doit être imputée en grande partie la chute de nos premiers parents. Quoi? demande le Tentateur à Ève, Dieu aurait-il dit : Vous ne mangerez point de tout arbre du jardin ? Il insinue habilement un doute dans son âme. « Est-il bien certain qu’une telle défense vous ait été faite? » semble-t-il lui dire. L’incrédulité fut comme la partie la plus affilée de la lame meurtrière que Satan introduisit dans le cœur d’Ève; ce fut elle qui ouvrit passage à la curiosité, à la convoitise et à toutes sortes de mauvaises pensées. Et depuis le jour à jamais lamentable, où le péché entra dans le monde, et par le péché la mort, qui pourrait dire les iniquités sans nombre, auxquelles l’incrédulité a donné naissance? Tout incrédule est capable de commettre le plus noir des crimes qui ait jamais souillé la terre. L’incrédulité, mes frères? C’est elle qui endurcit le cœur de Pharaon, elle qui déchaîna la langue blasphématrice de Rabsçaké, elle enfin qui devint déicide et crucifia le Roi de gloire! Et n’est-ce pas l’incrédulité qui chaque jour encore aiguise le couteau du suicide, prépare la coupe empoisonnée, conduit à la potence des milliers de criminels, et fait descendre dans une tombe ignominieuse le pécheur audacieux qui s’élance à la rencontre de son juge, les mains encore teintes de sang? Dites-moi qu’un homme est incrédule ; assurez-moi qu’il méprise la Parole de Dieu, qu’il n’ajoute foi ni à ses promesses ni à ses menaces; et ces prémisses posées, je ne craindrai pas de conclure qu’à moins qu’une puissance préventive extraordinaire ne soit exercée sur cet homme, il se rendra coupable un jour ou l’autre des excès les plus honteux. L’incrédulité est le Béelzébub des péchés ; comme le prince des démons, elle ne marche jamais seule, mais quand elle pénètre dans un cœur, elle y entraîne toujours à sa suite un long cortège de mauvais esprits. En elle sont renfermés le germe de tous les vices, la semence de toute iniquité; en un mot, il n’est rien d’odieux, de vil, de dégradant au monde, qui ne soit comme sous-entendu dans ce seul mot : l’incrédulité.

Et c’est ici le lieu de dire que l’incrédulité qui se glisse par moments dans le cœur de l’enfant de Dieu, est absolument de la même nature que celle de l’inconverti. Sans doute, ses conséquences finales seront bien différentes, car l’incrédulité du chrétien lui sera pardonnée… que dis-je? elle lui est déjà pardonnée! Elle a été mise, avec toutes ses transgressions, sur la tête de Celui dont le bouc émissaire était le type ; par conséquent, elle a été expiée et effacée à tout jamais. Néanmoins, je le répète, quant à sa nature, elle ne diffère en rien de toute autre incrédulité. Je dis plus : s’il peut exister un péché plus odieux encore que l’incrédulité du mondain, assurément ce doit être l’incrédulité de l’enfant de Dieu. Qu’un racheté doute de la Parole de son Maître, que celui qui a reçu des témoignages sans nombre de son amour, des gages réitérés de sa miséricorde, éprouve de la défiance envers son Père céleste, oh ! n’est-ce pas là, je le demande, une iniquité à nulle autre pareille?

Et chez le chrétien non moins que chez le mondain, le manque de foi est la racine de toute sorte de mal. Lorsque je serai parfait dans la foi, je serai parfait à tout autre égard. J’obéirais toujours aux préceptes de Dieu si je croyais toujours à ses promesses. Je pèche, parce que ma foi est faible. Que je sois pauvre, accablé de soucis, dénué de tout, si je puis avec confiance élever mes mains en haut et dire : L’Éternel y pourvoira, on ne me verra jamais recourir à des moyens iniques pour améliorer ma position; mais si, au contraire, je n’ajoute point foi aux promesses divines, qu’arrivera-t-il ? Peut-être déroberai-je, ou commettrai-je une action déloyale pour échapper aux poursuites de mes créanciers, ou me plongerai-je dans des habitudes d’intempérance pour noyer mes anxiétés. Ôtez-moi la foi, et mon être moral n’a plus de frein : or, comment maîtriser sans frein ni mors un coursier indocile? Tel que la fable nous représente le char du soleil conduit par Phaéton, tels serions-nous sans la foi : errant à l’aventure et courant droit à notre perte. Il est donc vrai de dire que l’incrédulité est la mère de tous les vices ; c’est le péché par excellence, car il porte dans son sein tous les autres.

Mais ce n’est pas tout. Non seulement l’incrédulité enfante le péché, mais encore elle le nourrit et l’entretient. Vous êtes-vous jamais demandé, mes chers auditeurs, comment il se fait que les hommes continuent à vivre selon que leur cœur les mène, tout en entendant gronder à leurs oreilles les tonnerres de Sinaï? Comment se fait-il, par exemple, que lorsqu’un Boanerges (C’est-à-dire fils du tonnerre. Marc 3.17.), soutenu par la grâce de Dieu, élève la voix et crie du haut de la chaire de vérité : maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi pour les faire (Gal. 3.10. Deut. 27.26); comment, dis-je, se fait-il que le pécheur écoute sans trembler les terribles menaces de la justice divine, qu’il reste dans son endurcissement et ne change rien à ses mauvaises voies? Je vais vous le dire, mes amis : c’est tout simplement parce que l’incrédulité est au fond de son cœur; c’est elle qui empêche les menaces de Dieu d’avoir aucune prise sur son âme. Lorsque nos sapeurs et nos mineurs étaient à l’œuvre devant Sébastopol, ils n’auraient pu, vous le comprenez tous, travailler à découvert en face des remparts de la ville; aussi, que faisaient-ils? Ils avaient soin tout d’abord d’élever des retranchements derrière lesquels ils pouvaient défier le feu de l’ennemi et poursuivre sans danger leurs travaux souterrains. Il en est de même de l’inconverti. Son retranchement, à lui, c’est l’incrédulité. Satan lui donne cet abri, afin que les traits de la loi n’atteignent point sa conscience. Ah! pécheur, qui aujourd’hui t’enveloppes dans une superbe indifférence, si jamais le Saint-Esprit daigne renverser ton incrédulité, s’il s’adresse enfin à toi avec une démonstration d’esprit et de puissance, avec quelle force la Parole de Dieu saisira alors ton âme ! Du jour où les hommes seraient fermement persuadés que la loi est sainte et que le commandement est saint, juste et bon, qui pourrait assigner des bornes à la puissance de l’Écriture sur leurs cœurs ? Ils se croiraient constamment suspendus au-dessus de l’enfer, ils prendraient au sérieux les menaces divines. Alors il n’y aurait plus dans la maison de prière ni indifférents, ni dormeurs, ni auditeurs inattentifs ; alors, après avoir écouté la Parole, on n’oublierait pas aussitôt quel on est. Oui, je dis ceci avec une pleine conviction : sans l’incrédulité, pas un seul des traits lancés par les redoutables batteries de la loi ne manquerait son but, et grand serait le nombre de ceux qui seraient tués par L’Éternel (Ésaïe 66.16)!

De même, comment se fait-il que les hommes puissent entendre les douces, les touchantes invitations de la croix du Calvaire, sans venir à Christ? Comment se fait-il que lorsque les prédicateurs de l’Évangile essaient de vous retracer les souffrances inexprimables de Jésus, lorsqu’ils vous parlent de sa passion et de son agonie, et qu’ils terminent par vous dire à tous de la part de Dieu : Il y a encore de la place; venez, car tout est prêt — dites, mes chers auditeurs, comment se fait-il que vos cœurs ne soient pas brisés au-dedans de vous? Pourquoi ne vous écriez-vous pas en vous frappant la poitrine :

« O Christ, ta charité profonde

Touche, pénètre notre cœur ;

Tu meurs pour les péchés du monde,

Toi seul es notre Dieu Sauveur[1]»

Et pourtant il me semble que la scène du Calvaire est assez émouvante pour attendrir le marbre le plus dur! Il me semble que le lugubre drame de Golgotha ferait pleurer les pierres même, et devrait arracher des larmes de pénitence et d’amour au misérable le plus endurci ! Mais voici : nous vous disons et nous vous redisons ces choses ; et où sont-ils, ceux qui s’en affligent? Où sont-ils, ceux qui pleurent?… Oh! mes frères, les rocs eux-mêmes se fendirent en voyant mourir Jésus; et vous, qui chaque jour le contemplez, pour ainsi dire, crucifié de nouveau sous vos yeux, vous assistez à ce spectacle avec autant d’insouciance que s’il ne vous concernait en rien! Oh ! vous tous passants, regardez et voyez; cela ne vous touche-t-il point que Jésus soit mort? — « Non, cela ne nous touche point », semblez-vous répondre pour la plupart. Pourquoi en est-il ainsi, mes amis? Ah! c’est parce qu’entre vous et la croix de mon Sauveur, il y a des pensées d’incrédulité. Si le voile épais du doute ne vous dérobait pas la figure divine de Jésus, ses regards d’amour fondraient la glace de vos cœurs. Mais l’incrédulité neutralise, en quelque sorte, la puissance de l’Évangile; elle l’empêche d’agir sur l’âme; et ce n’est que lorsque le Saint-Esprit a chassé cette incrédulité, ce n’est que lorsqu’il a porté un coup mortel au scepticisme naturel au cœur humain, que le pécheur peut s’approcher de Jésus et mettre en lui sa confiance.

Une troisième considération bien propre à nous faire comprendre combien l’incrédulité est odieuse, c’est qu’elle rend incapable de toute bonne œuvre. Ces paroles de l’apôtre : « Tout ce que l’on ne fait pas avec foi est un péché» (Rom. 14. 23.), sont vraies dans plus d’un sens. À Dieu ne plaise que je déprécie jamais la moralité! À Dieu ne plaise que je parle jamais de la probité, de la tempérance ou de toute autre vertu humaine, autrement qu’avec éloges et respect ! Mais après avoir rendu à ces choses un légitime hommage, savez-vous ce que j’ajouterai? Le voici. Toutes les vertus purement humaines, vous dirai-je, sont semblables à ces petits coquillages qui servent de monnaie dans certaines parties de l’Indoustan[2]. Ils ont cours parmi les Indiens, mais en Europe ils sont sans valeur. De même, les vertus humaines peuvent passer comme monnaie courante ici-bas, mais là-haut elles n’ont pas cours. Si vous n’avez quelque chose de plus excellent que votre propre excellence, vous n’entrerez jamais au ciel. Sans doute, si je devais passer ma vie au milieu des peuplades indiennes dont je viens de parler, je m’accommoderais fort bien des coquillages; mais si je dois me trouver un jour en pays civilisé, une autre monnaie m’est nécessaire. Ainsi, la probité, la tempérance et autres choses semblables sont très bonnes pour la terre, et plus vous les posséderez, mieux cela vaudra. Toutes les choses qui sont justes, pures, aimables et de bonne réputation, je vous exhorte, mes frères, à les rechercher et à les pratiquer ; mais en même temps, je vous le déclare, il vous faut plus que cela pour entrer au ciel. Sans la foi, toutes ces choses réunies ne sont d’aucun prix devant Dieu. Les vertus, sans la foi, sont des péchés blanchis au-dehors, et rien de plus. L’obéissance sans la foi (en admettant qu’elle fût possible) ne serait qu’une désobéissance déguisée. L’incrédulité annule tout bien. C’est la mouche qui gâte le parfum (Éccl. 10.1); c’est l’herbe vénéneuse qui empoisonne le pot (2 Rois 4.38-41). Posséda-t-on tout ensemble la pureté la plus aimable, la philanthropie la plus généreuse, la sympathie la plus désintéressée, le génie le plus noble, le patriotisme le plus dévoué, l’intégrité la plus consciencieuse, si l’on n’a pas la foi, on n’a rien. Sans la foi, dit l’apôtre, il est impossible de plaire à Dieu.

Et cette impuissance pour le bien, inséparable de l’incrédulité, se retrouve chez le chrétien lui-même, pour peu que sa foi défaille. — Permettez-moi, mes frères, de vous raconter une simple histoire, un fait rapporté dans l’Évangile. Un certain homme avait un fils possédé d’un malin esprit. Jésus était sur le mont Thabor, au milieu des gloires de la transfiguration. Ne pouvant arriver jusqu’au Maître, le malheureux père conduit son fils aux disciples. Le premier mouvement de ceux-ci est de s’écrier : « Oui, nous chasserons le démon ! » et aussitôt ils imposent les mains au jeune homme.

Mais soudain, un doute surgit dans leur esprit. « Se peut-il bien que nous réussissions? » se demandent-ils les uns aux autres avec inquiétude. Bientôt, le possédé commence à écumer; il grince des dents, il se roule par terre, il se débat dans d’effroyables convulsions. Évidemment, l’esprit malin est toujours là. En vain les disciples redoublent-ils d’efforts : semblable à un lion dans sa caverne, le démon semble les défier. « Esprit impur! sors de cet homme! » crient-ils avec une nouvelle énergie ; mais il ne sort point. « Esprit de ténèbres! retourne en ton lieu! » répètent-ils ; mais il n’obéit point. Les lèvres incrédules des disciples ne peuvent troubler le Malin, qui à bon droit aurait pu leur dire : « Je connais la foi et je connais Jésus, mais je ne sais d’où vous êtes. » Si les disciples avaient eu de la foi seulement comme un grain de moutarde, ils auraient pu chasser le démon; mais leur foi s’était évanouie; c’est pourquoi ils furent impuissants.

Voyez encore ce qui arriva à l’apôtre Pierre. Pierre crut à la parole de Jésus, et il marcha sur les flots. Marche admirable, et que pour ma part je suis souvent tenté d’envier à l’apôtre ! Si sa foi n’eût pas faibli, qui peut dire jusqu’où Pierre serait allé? Avec la foi pour le soutenir, il eût pu traverser l’Atlantique, et atteindre le Nouveau-Monde! Mais voici, au bout d’un moment, Pierre aperçoit une vague menaçante qui vient droit sur lui, et il se demande avec effroi : « Ne va-t-elle pas m’engloutir? » Puis, il pense : « Quelle présomption n’a pas été la mienne d’oser m’aventurer ainsi sur les flots? » Aussitôt, Pierre s’enfonce. La foi était la ceinture qui le maintenait au-dessus de l’eau; c’était son charme, c’était son talisman. Avec elle, son pas est ferme; sans elle, il perd pied. Il en sera toujours de même pour chacun de nous, mes bien-aimés. Tous, tant que nous sommes, nous avons à marcher sur les flots. Qu’est-ce, en effet, que votre vie ou la mienne, sinon une marche constante au milieu des vagues furieuses? Voulez-vous donc rester debout au sein de la mer en tourmente? Ayez la foi en Dieu. Du moment où vous cesserez de croire, les eaux de l’affliction entreront dans votre âme, et vous enfoncerez. Et pourquoi donc doutez-vous encore, ô gens de peu de foi?

La foi développe toute bonne pensée, tout bon sentiment; l’incrédulité, au contraire, les tue. Que de milliers de prières n’a-t-elle pas étouffées dès leur naissance ! Que de saintes aspirations n’a-t-elle pas frappées de mort, avant même qu’elles eussent vu le jour ! Que d’accents de louange, qui seraient allés grossir les chœurs célestes, ont été refoulés par le souffle impie du doute? Que de nobles entreprises, conçues dans le cœur, ont tristement avorté par suite de l’incrédulité! Tel homme serait peut-être un missionnaire dévoué, tel autre un hardi prédicateur de l’Évangile, si l’incrédulité n’était venue glacer leur généreux élan. Rendez un géant spirituel incrédule : aussitôt, il devient un nain. La foi est pour le chrétien ce qu’était pour Samson sa chevelure : enlevez-la-lui, et vous pourrez lui crever les yeux et le réduire à une complète impuissance.

Observons encore, mes chers auditeurs, que le péché de l’incrédulité doit être d’une nature particulièrement odieuse puisque, de tout temps, le Seigneur l’a sévèrement puni. Pour nous convaincre de ce fait, ouvrons l’Écriture ! — Je vois un monde tout rayonnant de beauté et de splendeur; ses montagnes rient au soleil, et ses vallons se baignent dans une atmosphère d’or. Des vierges dansent sous les ombrages; des jeunes gens chantent en chœur. Ô ravissante vision! Mais soudain, un vieillard à l’aspect, grave et vénérable apparaît sur la scène. Il lève sa main et crie : «Bientôt, un déluge va fondre sur la terre ; les fontaines du grand abîme se rompront, les eaux couvriront toutes choses. Voyez cette arche : pendant 120 années, j’ai travaillé de mes propres mains à la construire. Hâtez-vous, cherchez-y un refuge, et vous serez sauvés ! » — « Ah ! vieillard morose et crédule, qu’y a-t-il entre nous et toi ? lui répondent des voix railleuses. Laisse-nous jouir en paix de la vie. Il sera temps de penser au déluge quand le déluge sera venu. Mais il ne viendra pas, nous le savons; à d’autres tes vaines prédictions ! » Et la foule insouciante reprend ses chants et ses danses…. — Mais écoutez, incrédules ! Entendez-vous ce bruit sourd et étrange? Les entrailles de la Terre commencent à s’émouvoir; ses vastes flancs sont déchirés par de terribles convulsions intérieures. Cédant enfin à une tension énorme, les voilà qui éclatent, et des amas d’eaux, qui depuis le jour où Dieu les avait recelés dans le sein du globe, n’avaient point paru au-dehors, s’échappent de toutes parts, en torrents impétueux. Et la voûte du ciel! Elle est fendue en deux. Il pleut, non des gouttes d’eau, mais des nuages tout entiers. Une cataracte, bien autrement puissante que celle de Niagara, se précipite du firmament avec une épouvantable clameur. Les deux abîmes — l’abîme de dessous et l’abîme de dessus — se rencontrent et se donnent la main. Où êtes-vous maintenant, ô incrédules? Je regarde, je cherche ; et je ne vois plus qu’un homme, qu’un seul, debout sur une pointe de rocher, qui s’élève solitaire au-dessus des eaux. Longtemps sa femme s’est tenue cramponnée à son corps; mais, vains efforts! elle vient d’être entraînée. Lui-même perd bientôt pied. L’eau atteint sa poitrine. Entendez son dernier cri! Il succombe, il se noie, il est emporté par le courant… Alors Noé, regardant de l’arche, ne voit rien, plus rien. Partout le vide, partout le chaos, partout le néant ! Les monstres marins gîtent et s’ébattent dans les palais des rois. Tout est renversé, submergé, englouti. Quelle est donc la cause de cette épouvantable catastrophe? Mes frères, vous l’avez dit : c’est l’incrédulité ! Par la foi, Noé fut sauvé. Par l’incrédulité, le monde périt.

Ouvrons encore l’Écriture. Voici deux grands serviteurs de Dieu, Moïse et Aaron. Ils ont reçu mission d’introduire le peuple d’Israël dans la terre de Canaan; mais, chose étrange, ils n’y entrent point eux-mêmes. D’où vient cela? La Parole de Dieu va nous le dire. Ils n’honorèrent point l’Éternel devant le peuple, aux eaux de contestation; ils frappèrent le rocher avec un geste d’impatience; en un mot, ils furent incrédules; et le Seigneur les condamna à mourir sans entrer dans la terre promise, dans ce bon pays après lequel ils avaient tant soupiré, et pour lequel ils avaient tant souffert (Nomb. 20.1-13)!

Un autre exemple. Laissez-moi vous conduire, mes frères, dans ces contrées sauvages et désolées que parcoururent Moïse et Aaron. Comme le Bédouin nomade, devenons les fils du désert. Voyageurs fatigués, errons dans les sables brûlants de l’Arabie. Là gît un squelette blanchi par le soleil ; ici, j’en vois un second ; plus loin, un troisième; plus loin encore, d’autres en grand nombre. Que sont ces ossements desséchés? D’où viennent tant de restes humains? Qui m’expliquera leur présence en ce lieu? Sûrement, le vent du désert ou le fer de l’ennemi a fait périr ici en une seule nuit une imposante armée. — Non ! ces os sont les os d’Israël ; ces restes sont ceux des antiques tribus de Jacob. Elles ne purent entrer dans le pays de la promesse, à cause de leur incrédulité. Elles n’eurent point confiance en Dieu. Les espions ayant déclaré que la conquête de Canaan était impossible, le peuple les crut plutôt que Jéhovah (Nombres 13). Voilà pourquoi les corps morts de cette génération tombèrent dans ces solitudes. Ce ne furent pas les descendants de Hanak qui détruisirent Israël; le souffle embrasé du désert ne consuma point ses gens d’élite et les eaux du Jourdain ne mirent point obstacle à leur entrée dans Canaan; ni les Héviens ni les Jébusiens ne les exterminèrent : l’incrédulité seule fut la cause de leur perte. Oh ! malheureux Israël ! Après quarante années de pénibles marches dans le désert, te voir exclu de la terre promise, en punition de ton incrédulité!

Et si je ne craignais de multiplier outre mesure les exemples, que de faits du même genre la Bible ne me fournirait-elle pas! Voyez Zacharie, le père du Précurseur : il douta, vous le savez, et aussitôt l’ange le frappa de mutisme; sa langue fut liée, à cause de son manque de foi. Mais voulez-vous, mes chers amis, contempler sous leurs plus sombres couleurs les terribles suites de l’incrédulité ; voulez-vous savoir de quelle manière le Seigneur châtie une nation qui ne croit point, venez assister avec moi au siège de Jérusalem, à cet épouvantable massacre, sans pareil dans les fastes de l’histoire ! Voyez les Romains rasant les murailles de la sainte Cité; voyez-les faisant passer au fil de l’épée ou vendant comme esclaves sur les marchés publics tous les habitants qu’ils trouvent dans la ville. Relisez l’histoire émouvante de la destruction de Jérusalem, accomplie par Titus. Arrêtez-vous au récit tragique de la mort de ces Juifs désespérés, qui, plutôt que de tomber à la merci des Romains, se poignardèrent les uns les autres ! Mais qu’avons-nous besoin de regarder au passé? Les jugements de Dieu ne pèsent-ils pas encore sur son peuple ? Aujourd’hui encore, Israël n’est-il pas dispersé sur la surface de la terre, errant, exilé, sans nationalité et sans patrie? Il a été retranché, comme un sarment est retranché d’un cep. Et savez-vous pourquoi? C’est en punition de son incrédulité ! Là, et pas ailleurs, est la cause des calamités inouïes qui ont fondu sur ce peuple. Aussi, chaque fois que vous rencontrerez un Juif, au regard sombre et triste, chaque fois que vous le verrez, lui, fils d’une terre lointaine foulant, comme un proscrit, un sol étranger, rentrez en vous-mêmes et vous dites : « C’est l’incrédulité, ô Israël, qui t’a fait devenir le meurtrier de Christ ; c’est elle qui t’a dispersé parmi les nations; et ce n’est que la foi, la foi au Nazaréen crucifié, qui pourra te faire rentrer dans ta patrie et lui rendre son antique splendeur. »

Oh ! oui, Dieu hait l’incrédulité d’une haine toute particulière. Comme Caïn, il l’a marquée au front du signe de sa colère. Il l’a frappée de rudes coups dans le passé, et il l’écrasera complètement à la fin. L’incrédulité déshonore le Seigneur. Tout autre crime ne touche, pour ainsi dire, qu’à son territoire, mais celui-ci ose attaquer sa divinité même; il s’inscrit en faux contre sa véracité, nie sa miséricorde, insulte à ses attributs, dénature son caractère. C’est pourquoi, je le répète, il n’est aucun péché aussi abominable aux yeux de Dieu que le péché de l’incrédulité, sous quelque forme qu’il se produise.

Enfin, pour clore cette partie de mon sujet, je vous ferai remarquer, mes amis, que l’incrédulité est un péché irrémissible. L’Évangile nous parle d’un péché pour lequel Christ n’est point mort : c’est le péché contre le Saint-Esprit; mais il en existe un autre dont Jésus n’a jamais fait l’expiation : c’est celui de l’incrédulité. Nommez-moi l’un après l’autre tous les crimes qui figurent dans le catalogue du mal, et je vous citerai des personnes à qui ces crimes ont été pardonnés ; mais demandez-moi si un homme qui meurt incrédule peut être sauvé, je vous répondrai sans hésiter : « Non, il n’y a point de pardon, il n’y a point de salut possible pour cet homme! » Sans doute, l’incrédulité de l’enfant de Dieu a été expiée, parce qu’elle n’est que temporaire; mais pour ce qui est de l’incrédulité finale, de l’incrédulité dont on ne se repent point, jamais, je le répète, il n’a été fait d’expiation pour elle. Examinez la Bible d’un bout à l’autre ; partout vous trouverez que l’homme qui meurt sans avoir la foi n’a rien à attendre que la condamnation éternelle. Il est en dehors de la grâce divine. Se fut-il rendu coupable de tout autre péché, s’il avait possédé la foi, il eut été sauvé; mais il ne la possédait point : par conséquent, il est condamné… Démons, il vous appartient ! Esprits infernaux, précipitez-le dans l’abîme ! Il n’a point cru, et c’est pour des hôtes tels que lui que l’enfer a été préparé. L’enfer est le lot des incrédules ; c’est leur héritage, leur patrimoine, la prison qui de tout temps leur a été destinée. Les chaînes éternelles sont marquées à leur nom, et ils reconnaîtront à tout jamais la vérité de cette parole de Christ : Celui qui ne croit point sera condamné!

 

II.

Ceci nous conduit naturellement à aborder la seconde partie de notre sujet. Nous venons d’appeler votre attention sur la nature et sur quelques-uns des principaux caractères du péché dont le capitaine de Samarie se rendit coupable; il nous reste à constater quel fut son châtiment. « Tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras point »; telle fut la sentence qu’Élisée prononça contre lui de la part du Seigneur.

Écoutez cette sentence, ô incrédules, car, si vous ne vous convertissez, elle sera aussi la vôtre! Oui, vous aussi vous verrez de vos yeux, mais vous ne mangerez point. Et ceci peut même s’appliquer, en certaines circonstances, aux enfants de Dieu. Lorsque leur foi est languissante, ils contemplent les merveilles de la grâce divine, mais ils ne peuvent s’en nourrir. Ainsi, par exemple, l’on peut dire qu’en cette terre d’Égypte, il y a maintenant du blé en abondance; néanmoins, il est beaucoup de chrétiens qui le dimanche, en entrant dans la maison de Dieu, se disent avec tristesse : « Je ne sais en vérité si le Seigneur sera avec moi aujourd’hui. » D’autres encore, en entendant le prédicateur, pensent en eux-mêmes : « Certainement l’Évangile est fidèlement annoncé, mais je ne sais s’il pénétrera dans les cœurs. » Ces chrétiens sont toujours à douter et à craindre, à craindre et à douter. Aussi demandez-leur, en sortant du culte divin, si leurs âmes ont trouvé la nourriture qu’il leur fallait : — « Non, vous répondront-ils en soupirant; il n’y avait rien qui nous convînt. » Eh! c’est tout simple, mon frère. Tu as vu de tes yeux le pain de vie, mais tu n’as pu le manger, parce que tu n’avais point de foi. Si tu avais apporté dans la maison de Dieu un cœur simple et confiant, tu aurais fait un bon repas. Je connais des chrétiens qui sont devenus si extrêmement délicats et raffinés, que si la viande spirituelle qu’on leur présente (passez-moi l’expression) n’est pas découpée à leur fantaisie, ou servie avec la plus grande recherche, ils n’en veulent point. Que ne se passent-ils alors de toute nourriture? Et, qu’ils y prennent garde, c’est ce qu’ils devront faire très probablement, s’ils continuent à se montrer aussi difficiles. Ou bien les herbes amères de l’affliction stimuleront leur appétit blasé, ou bien Dieu les obligera à jeûner pendant quelque temps : après quoi, ils s’estimeront trop heureux de recevoir la nourriture la plus ordinaire et la plus simplement servie. Or, où chercher la cause secrète de cet esprit mécontent et critique qui empêche ainsi les enfants de Dieu de profiter de la prédication de l’Évangile, si ce n’est dans l’incrédulité? Si vous croyiez, mes bien-aimés, n’entendissiez-vous qu’une seule promesse de Dieu, cela vous suffirait. Ne vous adressa-t-on qu’une bonne parole du haut de la chaire, vos âmes en seraient restaurées, car ce n’est pas ce que nous entendons, mais bien ce que nous nous approprions par une foi réelle et vivante qui profite à notre âme.

Mais c’est surtout aux inconvertis que s’applique cette terrible menace : Tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras point. En effet, les enfants du siècle voient s’accomplir sous leurs yeux les œuvres magnifiques du Seigneur, tout en y restant complètement étrangers. Aujourd’hui même, une grande multitude est venue dans ce lieu de culte pour entendre la prédication de la Parole, mais combien, hélas! qui s’en retourneront l’âme aussi vide qu’en entrant! L’homme ne peut pas plus nourrir son âme au moyen de ses oreilles que son corps au moyen de ses yeux. Et pourtant le plus grand nombre de nos auditeurs viennent dans la maison de Dieu par pure curiosité. « Allons entendre ce discoureur, disent-ils; allons voir ce roseau agité du vent. » Aussi, ils viennent et reviennent; ils voient, ils voient, ils voient encore, mais ne reçoivent aucun bien. Autour d’eux, il y a peut-être des personnes qui se convertissent. Ici, une âme est appelée par la grâce souveraine de Dieu; là, un pauvre pécheur fond en larmes dans le sentiment de sa culpabilité ; plus loin, un cœur contrit implore la grâce divine, et ailleurs une voix répète la prière du péager : Ô, Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur. Mais quant à eux, rien ne les touche : ils restent froids et impassibles. C’est ainsi qu’au moment où je vous parle, une belle œuvre se poursuit dans ce troupeau ; mais le plus grand nombre d’entre vous n’en savent rien, ne s’y intéressent pas, car aucune œuvre ne se fait dans leurs propres cœurs. Et comment en serait-il autrement, mes amis? Vous jugez cette œuvre impossible; vous doutez de la puissance de Dieu; vous ne croyez point à son action régénératrice; en d’autres termes, vous êtes incrédules. De là vient que dans ces temps de glorieux réveil et d’effusion de la grâce, le Seigneur, qui n’a jamais promis d’agir en faveur de ceux qui ne l’honorent point, permet que vos âmes demeurent sans repentance, sans vie et sans salut : vous voyez de vos yeux, mais vous ne mangez point.

Mais ce n’est pas tout, ô pécheurs ! Le plus terrible accomplissement de cette sentence est encore à venir. On dit que l’illustre prédicateur Whitefield levait parfois ses deux mains vers le ciel, en criant de toutes ses forces — et comme je voudrais qu’il me fût donné de crier en cet instant même : « La colère à venir ! La colère à venir! » Qu’est-ce, en effet, que la colère du temps présent, comparée à celle qui fondra sur vous ci-après? Oh! c’est alors véritablement que vous verrez de vos yeux, mais que vous ne mangerez point!…

Il me semble que le grand jour du jugement est arrivé. Le temps n’est plus; j’ai entendu vibrer son glas funèbre; sa dernière heure a sonné ; l’éternité a pris sa place. La mer est en ébullition ; ses vagues étincellent d’un éclat surnaturel. Je vois un arc-en-ciel, une nuée qui traverse l’espace. Sur cette nuée est un trône, et sur ce trône est assis quelqu’un semblable au Fils de l’Homme. Oui, c’est lui, je le reconnais! Dans sa main, il tient la balance de la justice divine; devant lui sont les livres : le livre de vie, le livre de mort, le livre de mémoire. Je vois sa splendeur, et je m’en réjouis; je contemple la pompe de son avènement, et je tressaille d’allégresse de ce qu’il est enfin venu pour être admiré de tous ses saints. Mais j’aperçois, dans le fond du tableau, une foule d’infortunés, tremblants, éperdus, saisis d’horreur. Ils courbent leurs fronts jusque dans la poussière ; ils essaient de se dérober à tous les regards. « Rochers, tombez sur nous ! s’écrient-ils; montagnes, cachez-nous de devant sa face ! » Sa face? Quelle est donc cette face qui leur cause tant d’effroi? — « C’est la face de Jésus, de celui qui a été mort, et qui maintenant revient pour juger le monde. » Mais c’est en vain, ô pécheurs, que vous cherchez à fuir la présence du Fils de l’Homme; il faut que vous contempliez Celui que vous avez percé. Vous ne vous assoirez point à la droite du Seigneur, vêtus de robes éclatantes, mais vous serez témoins de sa gloire; et lorsque le cortège triomphal de Jésus paraîtra sur les nuées du ciel, vous ne pourrez vous y joindre, mais vous le verrez de vos yeux ! Oh ! je crois le voir en cet instant même, le puissant Rédempteur, remontant vers le ciel, sur son char de victoire! Entendez-vous ce bruit éclatant? Ce sont les pas de ses ardents coursiers qui résonnent sur les collines éternelles. Un cortège vêtu de blanc vient après lui, et aux roues de son char sont liés Satan, la mort et l’enfer. Voyez comme ses rachetés frappent des mains; entendez leurs cris de joie. Tu es monté en haut, disent-ils; tu as mené captifs les prisonniers (Ps. 68.18). Admirez la splendeur de leur apparence; observez les couronnes qui ceignent leurs fronts; voyez leurs robes d’une blancheur de neige; considérez la béatitude qui respire sur leurs traits. Écoutez ! ils entonnent un chant sublime : Alléluia! le Seigneur Dieu tout-puissant est entré dans son règne (Apoc. 14.6) ! Et la voix de l’Éternel leur répond : Je me réjouirai à cause de toi d’une grande joie; je me réjouirai à cause de toi avec un chant de triomphe, car je t’ai épousée pour moi à toujours (Soph 3.17 et Osée 2.19)!

Et où êtes-vous pendant ce temps, ô incrédules? Voilà la multitude des rachetés : mais où êtes- vous? Hélas! vous voyez de vos yeux, mais vous ne pouvez manger! Le banquet des noces est prêt ; le fruit de la vigne est versé; les convives prennent place à la table du Roi; mais vous, malheureux et affamés, vous ne pouvez goûter au festin éternel. Oh! il me semble que je vous vois, tordant vos mains de désespoir ! Si du moins il vous était possible de vous nourrir, comme les chiens, des miettes qui tombent sous la table du Maître ; mais non, cela même vous est interdit !

Une pensée encore, et je termine. Pécheur impénitent, je t’aperçois attaché à un roc dans les profondeurs de l’enfer, l’âme déchirée par le cruel vautour du remords. Tu élèves les yeux et tu reconnais Lazare, couché dans le sein d’Abraham. « Est-ce bien possible? t’écries-tu. Quoi? Ce mendiant qui était couché sur mon fumier, ce misérable dont les chiens venaient lécher les ulcères, le voilà dans le ciel, tandis que moi je suis dans les tourments ! Quoi? Ce Lazare, qui ne possédait rien pendant sa vie, est maintenant dans la gloire, tandis que moi, riche dans le temps, suis en enfer pour l’éternité !… Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt, pour me rafraîchir la langue. » Mais ta requête est vaine, ô pécheur, et s’il peut y avoir en enfer une souffrance plus aiguë que toute autre, ce sera celle que tu éprouveras en voyant les saints jouir d’une félicité à laquelle lu ne pourras jamais avoir part. Oh! jeune homme, regarde : voilà ta mère dans le ciel, tandis que tu es jeté dehors! Voilà ton frère, celui qui dormit dans le même berceau que toi, qui joua autour du même foyer — voilà, dis-je, ton propre frère, élevé dans la gloire, tandis que tu es abaissé jusque dans l’abîme! Mari, voilà ta femme dans le séjour des bienheureux, et toi, tu es au nombre des damnés ! Père, voilà ton enfant debout devant le trône, et toi, maudit de Dieu et maudit des hommes, tu es dans le feu éternel! Oh ! qui pourrait dire ce qui se passera dans le cœur du damné, lorsqu’il verra ses parents, ses amis, rassasiés de délices ineffables, et qu’il sentira que lui-même en est privé pour l’éternité?

Tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras point!… Et maintenant, je vous en conjure, mes chers auditeurs, par la mort de Christ, par son agonie et sa sueur sanglante, par sa croix et par sa passion, par tout ce qu’il y a de plus sacré sur la terre, de plus saint dans le ciel, de plus solennel dans le temps et dans l’éternité, par les horreurs indicibles de l’enfer, par les joies inexprimables du paradis — je vous en conjure, prenez ces choses au sérieux, et souvenez-vous que, si votre âme est perdue, ce sera l’incrédulité qui aura été sa perte. Oui, si vous périssez, ce sera parce que vous aurez refusé de croire en Jésus-Christ, et la goutte la plus amère de votre douleur sera la pensée que vous n’aurez point voulu vous confier en ce Sauveur charitable qui dit à tous par sa Parole : Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi!

FIN

Traduit de l’anglais pour « La Société des Livres Religieux », Deuxième édition, 1860, réédité par Danny Therrien et Hugo Lacasse

 

[1]Chants chrétiens.

[2]Relatif aux langues indo-aryennes parlées en Inde du Nord.

 

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