1 Jean 2.2 contredit-il le calvinisme?

Certains voient en 1 Jean 2.2 une réfutation à la doctrine de l’expiation limitée et, par le fait même, une contradiction au calvinisme. En fait, le texte vient plutôt appuyer la doctrine de l’expiation limitée lorsqu’on observe le contexte dans lequel 1 Jean 2.2 s’inscrit, le sens qu’il faut attribuer aux termes « monde entier », la réalité des méchants réprouvés et les affirmations de Jésus-Christ.

Mes petits enfants, je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez pas. Et si quelquun a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. Il est lui-même victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier. (1 Jean 2.1-2)

Jean, l’auteur de ces versets, est un Juif, un Hébreux. Dans son Évangile, le terme « Juifs » (Ioudaioi) est mentionné 71 fois. Matthieu, Marc et Luc ne mentionnent le mot que 16 fois, ce qui nous laisse croire que l’Évangile selon Jean est adressé principalement aux Juifs ou aux Hébreux. Dans l’église primitive, plusieurs Juifs croyaient difficilement que Dieu sauverait des païens. Ces versets rappellent donc que Celui qui sauve les Juifs est le même qui sauve les païens.

On peut également faire le parallèle entre 1 Jean 2.1-2 et Jean 11.51-52, tous deux rédigés par Jean, pour mieux saisir le sens des termes « monde entier » :

1 Jean 2.1-2

Jean 11.51-52

je vous écris ceci

il prophétisa 

Jésus-Christ le juste

Jésus

Il est lui-même victime expiatoire pour

devait mourir pour

nos péchés,

la nation.

non seulement pour les nôtres,

Et non seulement pour la nation,

mais aussi

mais aussi

pour ceux du monde entier.

les enfants de Dieu dispersés.

Il est clair que la même idée est exprimée dans ces deux passages. Le « monde entier » (1 Jn 2.2) réfère seulement aux « enfants de Dieu dispersés » (Jn 11.52; 17.6, 9, 19; Ap 5.9; 7.9), au « grand nombre » d’Hébreux 9.28, mais non à chaque personne de la race humaine (Jn 5.29).

Jean dit donc simplement en 1 Jean 2.2 que Jésus-Christ est la « victime expiatoire pour nos péchés [ceux des Hébreux]; et non seulement pour les nôtres [ceux des Hébreux], mais aussi pour ceux du monde entier [ceux des païens] ». En d’autres termes, le sens des mots « monde entier » serait « l’Église entière », les « fidèles », les « enfants de Dieu ».

Jésus affirme à de nombreuses reprises qu’Il est mort uniquement pour l’amour de Ses élus, par exemple, dans Jean 10.11 :

Moi, je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. (Jean 10.11)

Jésus n’est mort que pour payer les transgressions des brebis et non celles des boucs (Matt 25.31-46). Paul nous dit que Jésus « s’est livré » pour l’Église et non pour ceux qui ne le servent pas (Éph 5.25). De même, c’est l’Église de Dieu, et non le monde, qui a été obtenue par son sang (Actes 20.28).

On ne peut soutenir l’idée que le Christ a subi la colère du Père pour tous les péchés de tous les hommes en sachant qu’il existe un péché impardonnable. En effet, en 1 Jean 5.16-17, Jean parle du péché qui mène à la mort :

Si quelqu’un voit son frère commettre un péché qui ne mène pas à la mort, qu’il prie, et (Dieu) lui donnera la vie ; (il s’agit de) ceux qui commettent un péché qui ne mène pas à la mort. Il y a un péché qui mène à la mort, ce n’est pas pour ce péché-là que je dis de prier. Toute injustice est un péché, et il y a tel péché qui ne mène pas à la mort. (1 Jean 5.16-17)

1 Jean 2.1-2 établit un lien entre l’expiation du Christ et Son intercession : « nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. Il est lui-même victime expiatoire pour nos péchés » (1 Jean 2.1-2), ce pourquoi il peut intercéder pour Ses élus sur la base de Sa rédemption accomplie. Le Christ est l’avocat parfait qui gagne toutes Ses causes et n’en perd aucune, puisque Son intercession avec le Père est tout à fait réussie et atteint toujours sa fin (Jn 11.41-42; Rom 8.34; Héb 7.25). Dans le cas où Il porterait la colère du Père pour chaque individu, personne n’irait en enfer, car Christ aurait déjà porté leur châtiment pour eux. Puisque les méchants réprouvés périssent éternellement, Christ n’intercède pas pour chaque individu.

Si nous ne devons pas prier pour ceux qui ont commis le péché qui mène à la mort, le Christ n’aurait aucune raison de prier pour ceux-ci. S’il le faisait, tous seraient sauvés, car Dieu répond toujours aux prières de son Fils :

Ils ôtèrent donc la pierre. Jésus leva les yeux en haut et dit : Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé. Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours, mais j’ai parlé à cause de la foule de ceux qui se tiennent ici, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. (Jean 11.41-42)

Le Christ déclare lui-même explicitement qu’il ne prie pas pour chaque individu :

C’est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, parce qu’ils sont à toi. (Jean 17.9)

Puisqu’Il ne prie pas pour tous et chacun, Il n’est pas la victime expiatoire de chaque homme du monde, sans quoi personne n’irait en enfer.

En conclusion, 1 Jean 2.2 vient plutôt valider le calvinisme. Le texte adressé aux Juifs et aux Hébreux rappelle que Jésus-Christ devait mourir pour les enfants de Dieu dispersés dans le monde, ce qui inclut les païens, mais non les méchants réprouvés, qui doivent périr éternellement. Le Christ affirme à plusieurs reprises qu’il est mort pour Ses élus seulement, S’étant livré pour l’Église de Dieu et l’ayant obtenue par Son sang. Autrement, personne n’aurait à porter son châtiment, puisqu’Il est l’avocat qui gagne toutes Ses causes. À la lecture de 1 Jean 2.1-2, le croyant pénitent doit se sentir réconforté par la parfaite suffisance de l’oeuvre sacerdotale de Jésus-Christ, par Son expiation et Son intercession, pour chacun des enfants de Dieu dans le « monde entier ».

Joël Boutin

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